Kukushka - PlÔf

Programme

En fond de scène, nous devinons le couloir d’un immeuble délabré. Une porte au centre. Nous sommes à l’intérieur d’un petit appartement modestement aménagé. Ici, c’est chez Bubu, son refuge. Lorsqu’il rentre chez lui, il tente de se reposer du monde extérieur qui le submerge et qu’il doit affronter chaque jour… non sans mal d’ailleurs. Enfin seul.

Mais aujourd’hui, il semble qu’un grain de sable s’immisce dans une routine bien rodée. Une présence non-coutumière des lieux s’engouffre dans les couloirs, sur les pas de Bubu.

C’est Igor. Lui qui, insouciamment et sans relâche, est toujours prêt à déployer sa fureur de vivre dès qu’une opportunité lui sourit. Quitte à ce que ça déborde…

Alors que Bubu aspire à la tranquillité après une journée épuisante, Igor, lui, a l’intuition qu’il pourrait bien ce soir trouver abri dans la douceur de ce petit nid douillet ! Dans un rythme effréné à la sauce slapstick, les objets prennent vie et les éléments s’égarent. Un mécanisme enrayé devient une opportunité pour tout le monde de faire un pas de côté. Alors que tout semblait opposer ces deux drôles d’oiseaux, les possibles d’une rencontre s’ouvrent.

Note d’intention

Comment fait-on pour cohabiter avec « l’autre » ?

Kukushka, le « coucou » en russe. Ce volatile rusé et débrouillard évoque la roublardise parce qu’il pond ses œufs dans le nid d’autres oiseaux. En effet, on prête des mœurs parasitaires à cet oiseau solitaire. Mais dans les traditions védiques, le coucou symboliserait l’âme humaine, avant et après l’incarnation. Le corps serait lui-même comme un nid étranger dans lequel l’âme viendrait se poser.

Dans une époque où on parle de « grand remplacement », où la situation des migrants empire de jour en jour, et où tant de personnes dorment dans la rue, Kukushka fait un pied de nez au mortifère « On est chez nous ». Le spectacle interroge la vision du nid, de ses frontières, et de comment y cohabiter.

Livrés à eux-mêmes, ces deux personnages solitaires malgré eux sont comme tombés du nid trop tôt : ils n’ont jamais eu le mode d’emploi. Nez à nez avec l’instant, ils sont emportés par leur instinct de survie. Tels des enfants, leurs émotions défilent trop vite jusqu’à se superposer : les rires côtoient les larmes, les coups se succèdent aux embrassades, la candeur danse avec la malice.

Ce spectacle raconte la rencontre de deux clowns profondément seuls et empêtrés dans leur propre condition humaine. Il semble que dans cet apprentissage du savoir-vivre ensemble tout leur échappe, pour notre plus grand bonheur. Parce qu’il est bien connu que le rire est cruel ! Regarder Bubu et Igor nous permet de plonger dans nos abîmes avec légèreté, de rire ensemble de nos joies et de nos tristesses, de nous interroger sur ce qui nous unis à celui qu’on nomme « l’autre », malgré les différences. Ce duo nous reconnecte à notre enfant intérieur, celui chez qui l’adulte essaye de puiser sa vitalité, d’éprouver encore et encore son droit à la liberté et au rêve.