Des Clowns Sans Frontières filmés par Alexandra Willot-Beaufils

par Jean-Bruno GUGLIELMINOTTI - il y a 3 années

Des clowns professionnels donnent de leur temps pour des missions artistiques et humanitaires, là où des populations sont affectées par des crises humanitaires, victimes de marginalisation ou en situation de grande précarité. Ces clowns œuvrent dans l’anonymat pour offrir un soutien moral et émotionnel par le rire et le spectacle vivant. Alexandra Willot-Beaufils témoigne de deux de leurs missions en Moldavie et en Égypte dans un film passionné et personnel : « Ils étaient une fois… des petits NEZ rouges », un conte émotionnel.

Jean-Bruno Guglielminotti : « Alexandra, les émotions que tu as vécues en découvrant le clown-mime-bruiteur Julien Cottereau ont été l’une des motivations à l’origine du film « Ils étaient une fois… des petits NEZ rouges ». Qu'est-ce qui t’as interpellé ce jour-là en découvrant ce clown ? »

Alexandra Willlot-Beaufils : « Ce qui m'a interpellé en découvrant ce clown mime-bruiteur sur scène pendant une heure, c'était qu'il arrive à raconter tout un tas d'histoires, à nous faire vivre tout un monde imaginaire que, peut-être un moment, j'avais oublié dans ma vie. Je trouve qu'il est aujourd'hui très important de pouvoir raviver un monde imaginaire. J'ai d'ailleurs appris ensuite qu'il avait déjà près de 40 ans sur scène. Quand il jouait, ça m'a fasciné parce qu’il était vraiment hors d'âge, hors du temps, hors de tout, dans une poésie incroyable ! Ce qui m'a le plus frappé, c'est vraiment la poésie du clown. C'est là que j'ai découvert qu’être clown, active des facettes fascinantes, passionnantes et émouvantes à tout point de vue. Et surtout, ce qui m'a confortée, c'est que je n'étais pas du tout seule à ressentir cela dans cette salle de spectacle ! Je crois qu'il y avait vraiment une osmose avec le public. J'ai vu des gens de tout âge, complètement émus, presque aux larmes, peut-être plus touchés que les enfants eux-mêmes qui ne comprenaient pas forcément le second degré qu'il apportait dans ses histoires, dans sa poésie et dans sa gestuelle qui était très, très subtile finalement. »



Crédit photo : Alexandra Willot-Beaufils


J.-B. G. : « Ton film témoigne du travail bénévole des clowns, qui, comme Julien Cottereau, partent en mission avec l’ONG Clowns Sans Frontières. Comment vivent-ils ces missions en tant que « clowns humanitaires » ? Qu’est-ce que cela exige d’eux ? »

A W.-B. : « J'ai découvert le travail des bénévoles de l'ONG Clowns Sans Frontières sur le terrain. Tout d'abord, j'ai été invité à une réunion de préparation au siège parisien.

C'est là que j'ai compris ce que cela représentait de se mettre en relation avec un pays qu'on ne connaît pas forcément ou dont on ne connaît pas la culture, et dans lequel il va falloir s'adapter, trouver sur place une personne qui soit « référente », trouver après les endroits où il est important d'intervenir pour l'ONG.

J'ai découvert aussi qu'être clown humanitaire, ça s'organise ! Ça demande énormément d'énergie et de temps. Il ne s’agit pas seulement du temps de la mission qui dure en général une quinzaine de jours sur place. Clowns Sans Frontières prépare une mission plusieurs mois en avance. Ensuite, il y a quelques jours de retrouvailles de l'équipe sur Paris et enfin la mission à l'autre bout du monde.

Et puis j'ai découvert le travail sur place. A priori, c'est à peu près toujours comme ça : trois jours de préparation dans un lieu pour répéter, s'organiser, apprendre aux clowns à se connaître et créer l'osmose entre eux.

Ensuite, les dix à douze jours de représentations sont d'une intensité folle. Déjà en temps normal, faire des représentations tous les jours demande une énergie de dingue ! En plus les artistes sont ballottés d'un lieu à un autre, dans des conditions de vie qui nécessitent en permanence de s'adapter. Ils sont invités à manger dans des lieux où ils font des représentations. Sur place, ils représentent aussi l'ONG en tant que clown. Résultat, c’est presque comme s’ils étaient en représentation 24 heures sur 24 ! Pour ceux qui participent à cette aventure, c'est une pression énorme. Et en même temps, justement, l’énergie est décuplée et tout se vit à cent pour cent. Nous avons été à 100% dans la vie, à 100 % dans l'action. Pas le temps de réfléchir, pas le temps de se mettre la rate au court bouillon et de se faire de mauvaises idées. On fonce ! J'aime beaucoup la formule de Julien Cottereau qui disait on y va « la fleur au fusil » ! C'est vraiment ça !

Dans certains pays, il y a aussi des moments difficiles quand ils se rendent compte de la condition de vie de ces enfants pour lesquels ils vont faire les spectacles. Et ça, c'est très dur physiquement et c’est aussi dur psychologiquement. Une assistance « psy » a été mise en place par Clowns Sans Frontières sur Paris pour les clowns qui auraient besoin d'être accompagnés pour pouvoir mieux gérer toute cette pression. On ne sort pas complètement indemne de quinze jours intenses comme ceux-là. Il y a un effet « cocotte minute ». Alors oui, ça nourrit, ça fait grandir, il y a des échanges incroyables - c'est ce que recherchent les clowns qui vont là-bas - mais l’après, est important à gérer émotionnellement... »

J.-B. G. : « Comment ces enfants fragilisés ont-ils accueilli les personnages de clowns »

A W.-B. : « Les enfants étaient à chaque fois, dans une espèce d'excitation quand ils voyaient se préparer quelque chose… souvent d’ailleurs sans avoir la moindre idée de ce qui les attendait. C’est ça la magie du spectacle vivant ! Moi qui, à force, connaissait les tours de passe-passe et les moments forts, j'étais toujours surprise par les réactions des enfants… Ils nous rappelaient le pouvoir de l’humour, de la musique… Ce qui m’a marquée c’est d’entendre les jeunes égyptiens entonner les chansons dont ils connaissaient les paroles, et puis être ébloui par la voix d’une des clowns… mais surtout les entendre rire. Dès que la troupe arrivait quelque part, quel que soit le pays, les rires des enfants accompagnaient la mission… Et ça, ça booste à un point inimaginable… Ça me fait penser à la belle morale de « Monstres et Cie » : un rire d’enfant est beaucoup plus fort que ses pleurs… »



Crédit photo : Alexandra Willot-Beaufils


J.-B. G. : « Dans une séquence du film, l’émotion est forte à l’issue d’un spectacle auprès d’enfants handicapés. Il semble qu’une rencontre émouvante entre les clowns et ces enfants a eu lieu... Qu’est-ce que les clowns ont pu leur apporter »

A W.-B. : « En effet, oui, il y a une séquence du film où l'émotion est tellement forte qu’on voit les artistes « craquer ». C'était la première du voyage. J'ai observé avec la caméra presque comme un échange de « fluides ». Cette rencontre-là a été particulièrement touchante parce qu’elle est arrivée à un moment où il y avait déjà eu une telle intensité de préparation, de répétition… au point de ne presque pas dormir !

Ils étaient presque tous déjà au bord de « craquer » avant de faire leur show. Et pendant la représentation, il y avait les regards incroyables de ces jeunes femmes handicapées pour lesquels nous avons spontanément des a priori. Nous aurions pu croire qu’elles n’allaient pas être réceptives, qu'elles sont dans un autre « monde ». Mais non, les jeunes femmes du centre ont bien capté l'univers de ce spectacle ! Au contraire, le dialogue s'est vraiment instauré et ça a été très poignant de ressentir qu'à la fin, nous les regardions comme des personnes normales qui venaient juste dire merci. Et je pense qu'en fait, c'est le regard sur elles qui a changé. Ce n'était pas du tout un apitoiement sur leur vie - qui est dure en effet - mais il s’est passé quelque chose au-delà.

C'est peut-être aussi se rappeler qu'il y a cette différence - qui ne devrait pas en être une ! - et qu'il faut apprendre à accepter l'autre et que le dialogue du clown, c'est ça aussi, c'est accepter la personne qui est un peu à côté de ses pompes, à côté de la société, à côté de ce que la société veut normer.

Quand je vois un clown, j'ai l'impression de rencontrer un personnage hors-normes à tout point de vue, et qui montre que c'est bien d'être hors norme. Je pense que c'est une fierté, et même une richesse !

J.-B. G. : « Filmer ces clowns et ces enfants c’était une quête où semble s’être rejoint la nécessité intime et un élan universel, celui d’exister, de se sentir vivant. Ces clowns t’ont-ils redonné goût à la vie ? » 




A W.-B. : « Je crois le dire dans le film et apporter cette réponse à travers le documentaire. Je fais aussi une petite dédicace à la fin du générique avec un plan de fin.

Non seulement ça redonne goût à la vie, mais ça redonne foi en la vie ! C'est ça que je dirais plutôt. C'est-à-dire qu'il faut croire vraiment en ses idées folles. Il faut croire en l'énergie qui existe en chacun de nous pour déployer des bonnes choses. Je sais que c'est peut-être utopiste de ma part de parler comme ça, mais c'est tellement ce que j'ai ressenti !

Pendant cette mission et ensuite en regardant les rushes, en réalisant le montage qui était une étape de création de long terme, cela m'a nourri dans ce sens. En fait, c'est un peu ce que les artistes clowns des missions ont pu ressentir… Quinze jours à la puissance 10 000 !!! Du coup, cela aide à se sentir vivant !

Je trouve primordial, tout particulièrement en ce moment, de remettre l'accent là-dessus, sur la culture, quelle qu'elle soit, parce qu’elle est vaste. La culture, ce n'est pas juste des cinémas et des salles de théâtre, c'est la poésie, la littérature, c'est la langue d’un pays, d’un peuple… Ce sont les histoires, toutes les histoires. C'est aussi la culture orale de tous ces peuples depuis des siècles et des siècles, qui racontent les histoires des uns aux autres. L'être humain est fondamentalement constitué comme ça. Il a besoin de se nourrir l'esprit pour avancer, pour se sentir exister. Voilà ce qui fait notre force, ce qui fait la singularité de l'être humain, et ces temps-ci il est important de ne pas l'oublier !

Remettre la culture au centre de nos vies… Ne pas oublier d’être curieux et ouvert, c'est aussi ce qu'apporte la culture. »



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